Le 9 décembre 2020, le projet de loi 47 de l’Alberta intitulé Ensuring Safety and Cutting Red Tape Act, 2020 (loi de 2020 sur la sécurité et la réduction des formalités administratives) a reçu la sanction royale. Cette loi remplace intégralement l’actuelle loi de l’Alberta sur la santé et la sécurité au travail et apporte des modifications importantes à la loi albertaine sur les accidents du travail.
Voici quelques-uns des plus importants points à retenir pour les employeurs de l’Alberta.
A. Représentants des comités mixtes de santé et de sécurité
Création et composition d’un comité mixte de santé et de sécurité
La loi de 2020 sur la sécurité et la réduction des formalités administratives abroge le chapitre O‑2.1 de la loi de l’Alberta sur la santé et la sécurité au travail et édicte le chapitre O-2.2. Selon le chapitre O-2.1, tout employeur ayant un effectif de 20 travailleurs ou plus, pour une durée de 90 jours ou plus, était tenu de créer un comité mixte de santé et de sécurité au travail (CMSST).
Le chapitre O-2.2 prévoit que seuls les employeurs ayant un effectif régulier de 20 travailleurs ou plus doivent créer un comité mixte de santé et de sécurité (CMSS).
En outre, la création d’un CMSS n’est pas obligatoire pour chaque employeur présent sur des lieux de travail où il y a plusieurs employeurs, mais un seul [TRADUCTION] « maître d’œuvre ». Les maîtres d’œuvre doivent plutôt assumer l’ancien rôle du CMSST en réglant les questions de sécurité entre les employeurs et les travailleurs. À défaut de maître d’œuvre, un des employeurs sur place est chargé d’assumer ce rôle.
De plus, il n’y a plus d’exigences concernant la composition des CMSS, la fréquence des réunions, le paiement des réunions, les délais de résolution des problèmes ou la formation.
Le gouvernement de l’Alberta a souligné que des exigences et des règles spécifiques supplémentaires pour le CMSS et les représentants pourraient être ajoutées au code de la santé et de la sécurité au travail (Occupational Health and Safety Code) par voie de règlement.
Fonctions du comité mixte de santé et de sécurité
Aux termes du chapitre O-2.1 abrogé, le comité mixte de santé et de sécurité au travail était explicitement obligé et habilité à effectuer des inspections sur le lieu de travail, à prévoir des mesures pour protéger la santé et la sécurité des personnes au travail, à élaborer des programmes de sensibilisation, à participer aux enquêtes sur les incidents, à tenir des dossiers et à s’acquitter d’autres tâches et fonctions.
Le chapitre O-2.2 supprime les exigences relatives aux inspections des lieux, aux programmes de sensibilisation, aux enquêtes et aux autres tâches qu’effectuait auparavant le CMSST. Il prévoit plutôt une inspection sur dossier sur les lieux de travail, dans le cadre de laquelle le CMSS doit :
- prendre connaissance des préoccupations des travailleurs en matière de santé et de sécurité, examiner et régler les questions;
- participer à l’évaluation des risques effectuée par l’employeur;
- faire des recommandations à l’employeur [TRADUCTION] « en ce qui concerne la santé et la sécurité des travailleurs »;
- examiner [TRADUCTION] « les documents d’inspection des lieux de travail » de l’employeur.
B. Programmes de santé et de sécurité
La nouvelle loi n’oblige plus les employeurs à créer, en consultation avec le CMSS, un programme de santé et de sécurité comportant les éléments prescrits au chapitre O-2.1. Au lieu de cette obligation, les employeurs qui emploient régulièrement 20 travailleurs ou plus sont tenus [TRADUCTION] « d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de santé et de sécurité ». Le gouvernement de l’Alberta a souligné qu’il [TRADUCTION] « fournira[it] des lignes directrices pour aider les employeurs et les travailleurs à élaborer leurs programmes de santé et de sécurité ». Le gouvernement a précisé que [TRADUCTION] « les employeurs et les travailleurs auront la possibilité d’élaborer les programmes qui conviennent le mieux à leur lieu de travail ».
C. Travail dangereux et mesures disciplinaires
Droit de refuser un travail dangereux
La nouvelle loi redéfinit les conditions dans lesquelles un travailleur a le droit de refuser de travailler en raison d’une préoccupation de santé ou de sécurité.
Un travailleur ne peut désormais refuser de travailler que si le travail présente un [TRADUCTION] « risque excessif », soit [TRADUCTION] « un risque qui constitue une menace grave et immédiate pour la santé et la sécurité de la personne » (c’est nous qui soulignons). Cette formulation limite les types de situations qui auraient pu auparavant justifier un refus de travail et exclut potentiellement le droit de refuser un travail en raison de conditions qui ne présentent qu’un risque de blessure mineure ou de blessures chroniques découlant d’une exposition cumulative ou continue.
En outre, les employeurs ne sont plus tenus de continuer à payer les travailleurs qui ont entamé un processus de refus d’accepter un travail, ce qui atténue un peu l’urgence de répondre aux préoccupations exprimées dans le contexte du refus d’accepter un travail.
Plaintes en matière de mesures disciplinaires
Les employeurs ne peuvent pas prendre de mesures disciplinaires ni soumettre leurs employés à des décisions défavorables si ceux-ci exercent les droits que leur confèrent les lois sur la santé et la sécurité au travail. Les travailleurs qui souhaitent porter plainte relativement à ce type de mesures prises par l’employeur doivent désormais déposer leur plainte [TRADUCTION] « dans les 180 jours suivant l’acte reproché, mais pas après ». Auparavant, il n’y avait pas de délai. De plus, ce type de plainte a été renommé [TRADUCTION] « plainte pour mesure disciplinaire » au lieu de [TRADUCTION] « plainte pour mesure discriminatoire », afin de mieux faire comprendre aux employés que ce mécanisme de plainte n’est pas le même que celui d’une plainte pour discrimination déposée en vertu de la loi sur les droits de la personne de l’Alberta.
De plus, les travailleurs syndiqués sont désormais tenus de porter plainte en recourant au mécanisme de règlement des griefs prévu par les conventions collectives en vigueur et ne peuvent plus utiliser le processus prévu par la loi.
D. Signalement d’incidents
Les règles relatives au signalement des incidents graves ont changé. Selon la nouvelle loi, les employeurs doivent désormais signaler aussi les cas où une maladie entraîne le décès d’un travailleur. Auparavant, les employeurs n’étaient tenus de déclarer que les blessures ou les incidents qui avaient entraîné le décès d’un travailleur.
Les employeurs doivent désormais enquêter sur les incidents [TRADUCTION] « susceptibles de causer une blessure ou une maladie grave » ou [TRADUCTION] « lorsqu’il y a de bonnes raisons de croire que des mesures correctives pourraient être prises pour éviter que l’incident ne se reproduise ». Toutefois, les employeurs ne sont pas obligés de signaler de tels incidents.
E. Autres changements
La nouvelle loi comprend d’autres changements, notamment les suivants :
- Les travailleurs autonomes sont considérés comme des « employeurs » et non plus comme des « travailleurs », et ils sont tenus de remplir les obligations d’un « employeur ».
- La définition de « santé et sécurité » est supprimée, ce qui élimine du coup un vaste éventail d’obligations qui englobaient [TRADUCTION] « le bien-être physique, psychologique et social ». Cette formulation a toutefois été intégrée aux dispositions d’objet de la nouvelle loi, qui précisent que [TRADUCTION] « [l]es objectifs de la présente loi sont […] la promotion et le maintien du plus haut degré de bien-être physique, psychologique et social des travailleurs ».
- L’employeur n’est plus tenu de continuer à verser le salaire tant qu’une ordonnance d’arrêt des travaux ou d’arrêt d’utilisation est en vigueur.
Points à retenir pour les employeurs
Les changements suivants entreront en vigueur à la date de proclamation de la nouvelle loi.
- Les employeurs ne sont tenus de créer un CMSS que s’ils emploient régulièrement 20 travailleurs ou plus. Ce comité aura une liste de tâches réduite par rapport au CMSST. Ce nouveau comité se voit confier moins d’attributions que le CMSST.
- Les employeurs sont toujours tenus de disposer de programmes écrits de santé et de sécurité, mais les éléments obligatoires de ces programmes seront allégés ou complètement supprimés.
- Les employeurs ne sont plus tenus de payer les employés qui refusent de travailler; de plus, ils ne seront plus tenus de payer les employés lorsqu’une ordonnance d’arrêt des travaux est en vigueur.
- En ce qui concerne les blessures, les maladies et les accidents graves, les obligations de signalement des employeurs sont allégées.
En adoptant la nouvelle loi, le gouvernement de l’Alberta a indiqué qu’il souhaitait rationaliser et simplifier les processus actuels en matière de santé et de sécurité au travail, réduire la supervision administrative et inciter les employeurs et les travailleurs à travailler ensemble pour rendre les lieux de travail plus sains et plus sécuritaires. Cela dit, il reste nombre d’obligations et de sanctions sévères en matière de santé et de sécurité, notamment en ce qui concerne la responsabilité réglementaire et pénale des employeurs négligents. Les employeurs de l’Alberta ont peut-être intérêt à s’informer des possibilités qui s’offrent à eux pour réduire le fardeau administratif qui découlera de la nouvelle loi, tout en s’assurant que leurs politiques et protocoles en matière de santé et de sécurité demeureront adaptés aux milieux à risque particulier dans lesquels ils évoluent.
Stephen Shore est associé au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.
Christina S. Persad est sociétaire au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.
Caroline M. DeBruin a obtenu son diplôme de la faculté de droit de l’Université Queen’s en 2020 et est stagiaire au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.