Le 30 novembre 2021, le gouvernement de l’Ontario a adopté le projet de loi 27, Loi de 2021 visant à œuvrer pour les travailleurs, qui modifie un certain nombre de lois, dont la Loi sur les normes d’emploi et la Loi sur la santé et la sécurité au travail.
Selon le gouvernement, ce projet de loi permettra d’atteindre plusieurs cibles, comme améliorer la conciliation travail-famille pour les employés, empêcher l’utilisation de clauses de non-concurrence pour les entreprises et sur le marché du travail, faciliter l’obtention d’un permis d’exercice pour les professionnels formés à l’étranger et instaurer un régime de permis pour les agences de placement temporaire et les recruteurs.
Modifications à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi
Le droit à la déconnexion du travail
La Loi de 2021 visant à œuvrer pour les travailleurs impose aux employeurs comptant 25 employés ou plus de mettre en place, au début de l’année, une politique écrite sur la déconnexion du travail applicable au personnel après ses heures de travail. Selon la loi, la « déconnexion du travail » désigne le « fait de ne pas effectuer des communications liées au travail, notamment les courriels, les appels téléphoniques, les appels vidéo ou l’envoi ou la lecture d’autres messages, de manière à être en inactivité ». Une fois sa politique prête ou modifiée, l’employeur a 30 jours pour la fournir à ses employés. Il a également 30 jours pour la fournir à un nouvel employé à compter de sa date d’embauche.
Lorsque la loi aura reçu la sanction royale, les employeurs auront six mois pour rédiger leur politique. Après cette première année, ils devront en avoir une en place au plus tard le 1er mars de chaque année.
Il reste maintenant à publier les règlements qui établiront le contenu de la politique. Sont donc encore inconnus, notamment, les mesures particulières que devront prendre les employeurs pour interdire le travail hors des heures normales de travail et les critères qui établiront qui pourra ou devra travailler en dehors des heures de travail.
Utilisation interdite des clauses de non-concurrence
La loi interdit en outre aux employeurs de conclure avec un employé un contrat de travail comprenant ou constituant une clause de non-concurrence. Le non-respect de cette disposition rendra la clause de non-concurrence nulle.
Il y a cependant deux exceptions :
- La disposition ne s’applique pas à un employé qui est un cadre supérieur, c’est-à-dire toute personne qui occupe notamment la charge de chef de la direction, de président ou de chef des services administratifs.
- L’autre exception concerne la vente (y compris la location à bail) d’une entreprise en totalité ou en partie, lorsque le vendeur devient, immédiatement après la vente, l’employé de l’acheteur.
Lorsque le projet de loi aura reçu la sanction royale, l’interdiction des clauses de non-concurrence prendra effet le 25 octobre 2021.
L’Ontario est la première province à imposer l’adoption d’une politique de déconnexion du travail et à interdire explicitement l’utilisation de clauses de non-concurrence.
Délivrance de permis aux agences de placement temporaire
La loi prévoit que les agences de placement temporaire et les recruteurs devront désormais demander un permis. Quiconque fait appel à une agence de placement temporaire ou à un recruteur aux fins d’embauche doit faire les vérifications préalables qui s’imposent, puisque faire affaire avec une agence ou un recruteur sans permis est formellement interdit par la loi.
Les agences de placement temporaire et les recruteurs peuvent se voir refuser la délivrance d’un permis, ou encore voir leur permis révoqué ou suspendu pour divers motifs, notamment :
- s’ils utilisent les services d’un autre recruteur relativement au recrutement ou à l’emploi d’un étranger moyennant des frais;
- s’ils fournissent des « renseignements faux ou trompeurs »;
- si le directeur des normes d’emploi a des motifs raisonnables de croire que « l’auteur de la demande n’exploitera pas son entreprise avec honnêteté et intégrité ni conformément à la loi ».
La personne dont le permis est refusé, révoqué ou suspendu peut présenter une demande de révision à la Commission des relations de travail de l’Ontario.
Ces modifications à la loi prendront effet à la date proclamée par la lieutenante-gouverneure.
Modifications à la Loi de 2009 sur la protection des étrangers dans le cadre de l’emploi
Interdiction d’imposer des frais de recrutement
C’est dans l’intention de protéger les étrangers des pratiques de recrutement prédatrices que la loi interdit dorénavant aux employeurs et recruteurs d’avoir sciemment recours aux services d’un recruteur qui demande des frais aux étrangers.
Un tel recruteur, ainsi que l’employeur et le recruteur qui utilisent ses services, seront responsables du remboursement des frais demandés à l’étranger.
Ces modifications prendront effet le jour où la Loi de 2021 visant à œuvrer pour les travailleurs recevra la sanction royale.
Modifications à la Loi de 2006 sur l’accès équitable aux professions réglementées et aux métiers à accréditation obligatoire
Obtention facilitée d’un permis d’exercice pour les professionnels formés à l’étranger
Afin de faciliter l’obtention d’un permis d’exercice pour les professionnels formés à l’étranger, la loi prévoit qu’une profession réglementée ne doit pas exiger comme critère d’admissibilité à l’inscription que l’expérience d’une personne soit une expérience canadienne. Une dispense à cette interdiction peut être accordée pour certaines professions réglementées, « à des fins de santé et de sécurité publiques, conformément aux règlements ». Les professions réglementées devront en outre prévoir des processus d’inscription accélérés en cas d’urgence.
Le commissaire à l’équité s’assurera également que les exigences en matière d’examen de la compétence linguistique en français ou en anglais ne contreviennent pas aux règlements.
Ces modifications prendront effet le jour où la loi recevra la sanction royale.
Modifications à la Loi sur la santé et la sécurité au travail
Accès obligatoire aux salles de toilette pour les personnes chargées d’une livraison
Selon la loi, il est maintenant obligatoire, pour les entreprises visées, de fournir l’accès à une salle de toilette à un travailleur présent sur le lieu de travail pour y faire une livraison ou y prendre quelque chose à livrer ailleurs.
Certaines exceptions existent dans les cas où :
- il ne serait pas raisonnable ou pratique de fournir un tel accès pour des raisons liées à la santé ou à la sécurité;
- il ne serait pas raisonnable ou pratique de fournir un tel accès compte tenu de toutes les circonstances;
- la salle de toilette se trouve dans un logement ou on ne peut y accéder qu’en passant par un logement.
Ces modifications à la loi prendront effet à la date proclamée par la lieutenante-gouverneure.
Modifications à la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail
Distribution de l’excédent de l’actif de la caisse d’assurance
Une disposition prévoit désormais qu’en cas d’excédent à l’actif de la caisse d’assurance, la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail peut distribuer cet excédent entre les employeurs admissibles. Elle pourra déterminer le moment et les montants à distribuer aux employeurs admissibles, compte tenu de facteurs comme la conformité à la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail. En fonction de ces facteurs, le Commission peut en outre décider de ne pas distribuer de montant à un employeur. Le cas échéant, un employeur n’a aucun droit d’appel.
Ces modifications à la loi prendront effet à la date proclamée par la lieutenante-gouverneure.
Modifications à la Loi sur le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales
Collecte accrue de renseignements se rapportant « à l’agriculture, à l’alimentation et aux affaires rurales »
Selon la loi, le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales peut « recueillir directement ou indirectement des renseignements, y compris des renseignements personnels » se rapportant « à l’agriculture, à l’alimentation ou aux affaires rurales » pour répondre à des préoccupations urgentes en matière de santé publique ou de sécurité publique. Il ne doit pas recueillir, utiliser ou divulguer des renseignements personnels à une fin que d’autres renseignements permettent de réaliser.
Ces modifications prendront effet le jour où la loi recevra la sanction royale.
Prochaines étapes
Le projet de loi 27 a passé l’étape de la troisième lecture le 30 novembre 2021. Au moment de publier le présent billet, il n’avait toujours pas reçu la sanction royale, mais celle-ci devrait être accordée incessamment. Une fois la sanction royale reçue, certaines modifications prendront effet immédiatement, et les autres suivront leur échéancier propre. Les employeurs seraient avisés de prendre connaissance des dispositions de la nouvelle loi, notamment des dates importantes et des dispositions applicables à leur organisation. Il serait également bon de revoir leurs politiques, leurs pratiques et leurs contrats aux fins de conformité.