Le 6 octobre 2021, la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail est entrée en vigueur. Comme son titre l’indique, elle avait pour objet de moderniser le régime québécois de santé et de sécurité du travail en matière de prévention et de réparation des lésions professionnelles.

Le texte a principalement pour effet de modifier progressivement, sur la période 2021-2024, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Le 6 octobre dernier, certaines des modifications en question ont pris effet. Elles obligent notamment les employeurs à revoir des procédures internes et à tenir compte de nouveaux droits des salariés concernant l’assignation temporaire de travail et l’accommodement aux limitations fonctionnelles. Le présent article traite des modifications susmentionnées d’un point de vue pratique.

Formulaires d’assignation temporaire

L’utilisation du formulaire d’assignation temporaire de travail prescrit par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) est désormais obligatoire pour l’employeur dès qu’il est question d’inviter le médecin d’une salariée blessée ou d’un salarié blessé à autoriser un retour au travail en assignation temporaire en attendant qu’elle ou qu’il redevienne capable d’exercer son emploi régulier. Avant l’amendement, la CNESST proposait un formulaire mais il était à usage facultatif.

Le défi ici pour les employeurs ne réside non pas dans le caractère obligatoire du formulaire, mais bien dans son contenu, qui tient non plus sur une page, mais sur trois. À noter que ce contenu n’est pas prescrit par les modifications législatives. En effet, il est dicté par la CNESST en vertu de ses pouvoirs administratifs. Le nouveau formulaire limite maintenant l’employeur à deux propositions d’assignations, alors que sous les règles précédentes, il n’y avait pas de limite au nombre d’assignation proposées, ce qui compliquait le refus d’une assignation temporaire par le médecin traitant. Toutefois, sous le nouveau formulaire, le médecin doit préciser les limitations fonctionnelles de la personne et, s’il refuse une proposition, il doit expliquer son refus en relation avec les limitations. Que l’assignation soit acceptée ou non, l’employeur est tenu de faire parvenir le formulaire à la CNESST.

Mesures de réadaptation

Avant le 6 octobre dernier, la CNESST ne pouvait pas, en principe, accorder des mesures de réadaptation à une salariée blessée ou à un salarié blessé avant la « consolidation » (atteinte d’un plateau thérapeutique) de la lésion professionnelle et l’établissement d’une atteinte permanente. En pratique, elle commençait toutefois à discuter de réadaptation avec l’employeur dès qu’il devenait possible de prévoir les conséquences de la lésion et d’établir avec certitude la nécessité de mesures de réadaptation.

Une modification a officialisé cette pratique. La CNESST peut dorénavant accorder des mesures de réadaptation dès l’acceptation d’une demande d’indemnité pour accident du travail.

Obligation d’accommodement

En vertu de la LATMP, les salariés disposent généralement d’une fenêtre temporelle précise pour pouvoir retourner au travail après un accident du travail. Cela dit, l’obligation d’accommodement de l’employeur a toujours dépassé la période du « droit au retour au travail ».

Les nouvelles modifications concernant le droit au retour au travail renforcent la protection du droit à l’accommodement de la salariée ou du salarié : elles facilitent sa réintégration du lieu de travail, dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou par ailleurs convenable. En substance, la CNESST dispose désormais de plus grands pouvoirs pour ce qui est d’établir si, moyennant des mesures de réadaptation, la personne pourrait exercer son emploi ou un emploi équivalent. Qui plus est, elle peut aussi évaluer la nécessité d’une mesure d’accommodement raisonnable (p. ex., aménagement des tâches ou modification de l’horaire) en vue d’une réintégration au lieu de travail de l’employeur. La CNESST est dorénavant seule à déterminer la nécessité et la possibilité de prendre des mesures permettant à la personne d’occuper un emploi convenable disponible chez son employeur, et peut rendre en conséquence une décision exécutoire. Les employeurs conservent toutefois le droit de contester ses évaluations en invoquant une contrainte excessive.

Cette modification donne essentiellement suite à une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2018, qui a clarifié les pouvoirs de la CNESST relativement à la mise en application des obligations d’accommodement. Par le passé, la CNESST prêtait foi à l’avis des employeurs sur la possibilité de prendre des mesures d’accommodement à l’égard d’une travailleuse ou d’un travailleur en lui offrant un emploi convenable, et dans la négative, elle les contredisait rarement, pour ne pas dire jamais.

Enfin, un employeur peut désormais se voir imposer par la CNESST, s’il ne collabore pas aux démarches de retour au travail, une sanction administrative pécuniaire équivalant au coût des prestations auxquelles aurait pu avoir droit la travailleuse ou le travailleur durant la période de défaut de l’employeur. Le montant de la sanction peut s’élever jusqu’à un an d’indemnités de remplacement du revenu.

Incidences pour les employeurs

Les employeurs devront veiller à ce que leur équipe chargée d’administrer les demandes d’indemnité pour accident du travail remplisse le formulaire prescrit par le CNESST, sans quoi celle-ci risque de déclarer leurs propositions nulles et non exécutoires. C’est ce qui pourrait se produire si, par exemple, l’employeur demande la suspension des indemnités du revenu en vertu de l’article 142 de la LATMP après que la personne concernée a omis de se présenter pour une assignation temporaire. Il ne faut pas oublier que ces formulaires, une fois remplis, doivent être transmis à la CNESST.

Nous conseillons également aux employeurs de porter attention à leurs nouvelles obligations en matière d’accommodement. Si l’obligation d’accommodement excède ce que prévoit strictement la LATMP, il convient de rappeler que les employeurs se montrant peu coopératifs aux yeux de la CNESST s’exposent à des sanctions.

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