Un conflit entre le gouvernement de l’Ontario et les travailleurs de l’éducation syndiqués est devenu l’un des moments les plus marquants de l’histoire récente des relations de travail au Canada.

Le 7 novembre 2022, devant la persistance des moyens de pression du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), le premier ministre de l’Ontario Doug Ford a annoncé son intention d’abroger la Loi de 2022 visant à garder les élèves en classe (la « Loi »), qui interdisait aux travailleurs de l’éducation de faire la grève et avait imposé une nouvelle convention collective.

Le gouvernement a offert d’abroger la Loi à condition que le SCFP mette fin à la grève et que les membres du personnel retournent aux écoles pour une reprise des cours en présentiel. Le 14 novembre 2022, la Loi a été abrogée par le gouvernement de l’Ontario. Toutefois, le 16 novembre 2022, devant l’impasse des négociations au sujet des niveaux de dotation de personnel scolaire, le SCFP a déposé un avis annonçant une grève à l’échelle de la province le 21 novembre 2022.

Contexte

Après la rupture des négociations collectives entre le gouvernement de l’Ontario et le SCFP, qui représente 55 000 employés de soutien en éducation de l’Ontario (notamment des aides-éducateurs, des éducateurs de la petite enfance et des concierges), le syndicat était prêt à faire la grève.

Cette dernière aurait provoqué la fermeture des écoles, ce que le gouvernement de l’Ontario tenait à éviter après la vague de fermetures occasionnées par la COVID-19.

Ainsi, le projet de loi 28 a été adopté afin de rendre la grève du SCFP illégale. La Loi imposait une nouvelle convention collective exigeant le retour au travail des membres du personnel de soutien scolaire, selon des modalités et conditions d’emploi établies par le gouvernement.

Elle invoquait notamment l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, et pouvait ainsi s’appliquer même si l’imposition d’une convention collective retire aux travailleurs de l’éducation leur droit constitutionnel de participer aux négociations collectives.

La loi se prémunissait également contre les contestations fondées sur le Code des droits de la personne de l’Ontario et limitait la compétence de la Commission des relations de travail de l’Ontario à effectuer certaines enquêtes. Elle infligeait de lourdes amendes à toute personne participant à une grève (jusqu’à 4 000 $ par jour) et à tout syndicat permettant une grève (jusqu’à 500 000 $ par jour).

Le SCFP a affirmé que ses membres ne se présenteraient pas au travail, malgré la Loi ou les amendes imposées. D’autres syndicats de divers secteurs publics et privés ont soutenu le SCFP.

Après deux jours de fermetures et de rumeurs de grève générale dans la province de l’Ontario, le gouvernement a reculé et accepté d’abroger la Loi, ainsi que de retourner à la table de négociation pour conclure une entente.

En vue d’apaiser la situation, les membres du SCFP sont retournés au travail et les écoles ont rouvert, ce qui a laissé entrevoir la fin des turbulences. Une convention collective a ensuite été négociée, dans laquelle le gouvernement a offert une augmentation de 15,2 %, représentant un total de 335 M$ sur quatre ans. Toutefois, le gouvernement n’a pas répondu à la demande du SCFP d’augmenter les niveaux de dotation pour les postes d’aides-éducateurs, de bibliothécaires, de concierges, de secrétaires et d’éducateurs de la petite enfance. Le 16 novembre 2022, le SCFP a donc déposé un préavis de grève de cinq jours. La grève pouvait commencer le 21 novembre 2022. Les négociations de contrats se sont poursuivies le 19 novembre 2022.

Répercussions potentielles

D’un point de vue général, les derniers jours pourraient donner le ton des futures négociations collectives. L’abrogation de la Loi, perçue comme une victoire par le SCFP, et la capitulation du gouvernement de l’Ontario en réponse à la grève pourraient enhardir les syndicats lors de futures négociations. Divers syndicats et membres du public se sont unis dans leur opposition au gouvernement de l’Ontario et à la Loi. Dans de futures campagnes syndicales, on peut s’attendre à une mobilisation publique plus importante et à une coordination accrue entre différents syndicats. En cette époque de communications instantanées et de réseaux sociaux, il est beaucoup plus facile de mobiliser à la grève rapidement et de faire appel au public.

L’adoption du projet de loi 28 a suscité une réaction viscérale au sein du SCFP et une condamnation rapide d’autres syndicats. Bon nombre d’entre eux, dont le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario, ont protesté par solidarité. D’autres, comme Unifor et la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique ont même puisé dans leurs fonds de réserve pour offrir une contribution (100 000 $ et 1 M$ respectivement) et de l’aide financière en cas d’amendes. De larges discussions populaires et des appels du SPCF ont agité le spectre d’une « grève générale », pendant laquelle d’autres syndicats et des employés non syndiqués interrompraient leurs services.

Les négociations collectives pourraient s’intensifier parallèlement à la hausse de l’inflation. Les syndicats demandent souvent une indexation au coût de la vie calculée en fonction de l’Indice des prix à la consommation. De fait, l’un de points les plus litigieux lors des négociations entre le gouvernement de l’Ontario et le SCFP était le taux d’augmentations salariales d’une année à l’autre. Le SCFP avait demandé une augmentation de 11,7 % alors que le gouvernement de l’Ontario avait offert une augmentation d’environ 2 % (de 1,5 % à 2,5 % selon la convention collective créée par la Loi, selon le taux de rémunération de l’employé). Pour justifier sa proposition, le SCFP a invoqué l’inflation galopante et le manque d’augmentations substantielles dans les conventions collectives précédentes, alors que le gouvernement de l’Ontario a exprimé des préoccupations d’ordre budgétaire.

D’autres facteurs pourraient aussi donner lieu à des relations de travail conflictuelles. Alors qu’il est dit que le Canada frôle la récession, la menace de mises à pied pourrait provoquer un regain d’intérêt pour les dispositions sur la sécurité d’emploi. De plus, les syndicats pourraient jouir d’une position relativement avantageuse à la table de négociation, étant donné les taux de postes vacants élevés et le faible taux de chômage. Une autre demande syndicale de plus en plus fréquente est l’intégration de dispositions relatives au télétravail dans les conventions collectives, une tendance issue de la pandémie et pourrait s’inscrire dans la durée.

Alors que la situation continue d’évoluer, le bureau de Toronto d’Ogletree Deakins surveille le climat des relations de travail en Ontario et au Canada et publieront des mises à jour sur les blogues transfrontalier et relations de travail traditionnelles du cabinet en temps opportun. Les employeurs peuvent également suivre les webinaires et les balados du cabinet pour accéder à des renseignements essentiels.

Stephen Shore est associé au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.

John T. Wilkinson a obtenu son diplôme de la Faculté de droit de l’Université Queen’s en 2022 et est stagiaire au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.

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