Dans la décision Rahman v Cannon Design Architecture Inc., la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé la validité de clauses de licenciement qui semblaient contrevenir aux normes minimales fixées par la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE). Cette décision constitue une avancée encourageante pour les employeurs de l’Ontario.
Contexte
La demanderesse, Farah Rahman, travaillait pour la société Cannon Design Architecture Inc. à titre de [traduction] « directrice » et y gagnait un salaire considérable. Avant le début de son emploi, Rahman a négocié, par l’entremise de son avocat, les modalités de son contrat de travail, dont les clauses de licenciement. Avec l’aide de son avocat, Rahman a pu négocier des [traduction] « améliorations importantes » à l’indemnité de départ prévue au contrat. Ces modalités plus avantageuses accordaient à Rahman un préavis de licenciement de deux mois par année de service [traduction] « dans les cinq premières années », à condition qu’elle signe une quittance au profit de la société. Rahman n’a pas exprimé de préoccupations quant à la [traduction] « formulation de la clause de licenciement pour motif valable ».
À la suite de son congédiement, Rahman a intenté une poursuite pour congédiement injustifié. Elle faisait valoir que, selon les principes établis dans l’arrêt Waksdale v. Swegon North America Inc. de la Cour d’appel de l’Ontario, les clauses de licenciement du contrat de travail n’étaient pas exécutoires, puisque la clause portant sur le [traduction] « motif valable » aurait permis un licenciement sans préavis dans des situations où la LNE aurait exigé un préavis de résiliation du contrat de travail. Le Règlement de l’Ontario 288/01, soit le règlement d’application des dispositions de la LNE portant sur le licenciement, permet de licencier des employés sans préavis lorsqu’ils sont « coupables d’un acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice de leurs fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré »; une norme qui, selon les prétentions de Rahman, diffère du critère de « motif valable » en common law.
Rahman soutenait que les clauses de licenciement ne faisaient référence à aucune indemnité de licenciement et que leur application future pourrait faire en sorte que soit donné un délai insuffisant et donc contraire à la LNE. De plus, selon Rahman, les clauses du [traduction] « contrat des membres de la haute direction » qu’on lui avait d’abord envoyé avant que les parties négocient le contrat de travail contrevenaient à la LNE. Le contrat des membres de la haute direction et le contrat de travail renfermaient des clauses de licenciement différentes et Rahman n’avait pas négocié les clauses du contrat des membres de la haute direction.
Décision
La Cour supérieure de justice de l’Ontario (ci-après la « Cour ») juge que les clauses de licenciement du contrat de travail de Rahman, prises dans leur ensemble, sont valides. La Cour juge également que, même si certaines clauses du contrat des membres de la haute direction contreviennent à la LNE, Rahman a reçu de l’information [traduction] « complète et approfondie » avant de conclure le contrat de travail et que les clauses du contrat de travail négocié stipulent que celles-ci prévalent en cas de conflit avec le contrat des membres de la haute direction.
La Cour estime que Rahman avait tort de s’appuyer sur l’arrêt Waksdale et sur la décision Ojo v Crystal Claire Cosmetics Inc., deux affaires où les tribunaux ont jugé que, suivant les principes d’interprétation stricte des clauses de licenciement au détriment de l’employeur, le fait de prévoir le licenciement sans préavis [traduction] « pour motif valable » invalide toute la clause de licenciement, y compris la clause de licenciement [traduction] « sans motif valable ». La Cour ne parvient toutefois à trouver [traduction] « aucun fondement justifiant l’application d’une approche interprétative stricte ou défavorable pour interpréter les clauses de licenciement du contrat de travail dans le contexte de la présente affaire ». Le contexte auquel la Cour fait référence se résume ainsi :
- le fait que Rahman était une partie avertie;
- la prestation de [traduction] « conseils juridiques indépendants »;
- l’absence [traduction] d’« inégalités dans le pouvoir de négociation »;
- l’amélioration des clauses relatives au congédiement à la suite de négociations en faveur de Rahman;
- la clause commençant par [traduction] « Il est entendu que » dans la lettre d’offre d’emploi, qui stipulait clairement que le contrat de travail allait respecter les droits minimaux conférés par la LNE;
- [traduction] l’« intention mutuelle » (en italique dans l’original) des parties de se conformer aux normes prévues à la LNE.
Comme la Cour ne peut trouver d’éléments de preuve pour étayer l’insinuation de Rahman selon laquelle l’employeur a voulu recourir aux clauses de licenciement [traduction] « pour motif valable » pour se soustraire contractuellement à l’application de la LNE, elle refuse de tirer une telle conclusion, contrairement aux conclusions de l’arrêt Waksdale et d’une décision subséquente.
En outre, la Cour confirme la validité des clauses de licenciement, puisque l’employeur avait le droit de rendre nulles les dispositions de la LNE en offrant des modalités plus avantageuses aux employés. Conclure à la nullité de l’entièreté des clauses de licenciement de l’employeur aurait des effets néfastes pour les employés. La Cour estime que le fait de conclure à la nullité de stipulations entières pourrait mener à des situations où des employés seraient privés de droits contractuels plus généreux que ce que prévoit la common law.
La Cour ajoute que les tentatives de contester les clauses de licenciement créent de l’incertitude qui, au bout du compte, pourraient causer un préjudice aux deux parties dans les contrats de travail :
[traduction] « L’incertitude entourant l’application de la loi à des contrats de travail négociés équitablement ne pourra qu’entraîner la conséquence involontaire d’inciter les employeurs à renoncer à leurs efforts pour offrir des indemnités de licenciement plus généreuses que celles prévues à la LNE de crainte que toute mesure dépassant les limites de la LNE représente un risque inacceptable que ces indemnités soient jugées invalides, ce qui aurait comme conséquence potentielle d’engager la responsabilité en common law des parties bien au-delà de ce qu’elles auraient pu prévoir à la conclusion du contrat. Il ne fait aucun doute que ce genre de scénario se produit déjà dans une certaine mesure. À la longue, personne ne sort gagnant dans des conditions pareilles. »
Après avoir conclu que les clauses de licenciement étaient valides, la Cour a rejeté la poursuite intentée par Rahman au motif qu’il n’y avait [traduction] « aucune question réelle à trancher ».
Points à retenir
La décision nous démontre qu’en présence de pouvoirs de négociation comparables et de l’intention mutuelle des parties à la table des négociations de conclure un contrat de travail conforme aux normes prévues à la LNE, les employés pourront difficilement réclamer la nullité des modalités qu’ils ont négociées. Les arguments techniques fondés sur la règle contra proferentem (selon laquelle toute ambiguïté dans le texte d’un contrat doit être interprétée contre celui qui l’a rédigé) risquent d’être rejetés dans de telles situations.
Michael C. Comartin est associé au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.
Gloria Ilunga a obtenu son diplôme de la faculté de droit Osgoode Hall en 2021 et est stagiaire en droit au bureau de Toronto d’Ogletree Deakins.