Le 30 mai 2017, le gouvernement de l’Ontario a annoncé son intention de déposer un projet de loi, la Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, qui, s’il était adopté, pourrait entraîner d’importants changements à plusieurs normes d’emploi et règles régissant les relations de travail en Ontario. On peut consulter le texte de l’annonce sur le site Web du gouvernement de l’Ontario.

Parmi les points saillants des modifications proposées, mentionnons une hausse marquée du salaire minimum en Ontario, une semaine supplémentaire de vacances pour les employés comptant cinq années de service ou plus, des congés d’urgence payés, des protections renforcées contre la classification erronée d’employés comme entrepreneurs indépendants et de nombreuses règles visant à aider les syndicats à syndicaliser les travailleurs.

On attendait avec impatience les modifications proposées dans la foulée de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, un rapport de 419 pages publié récemment et rédigé par les conseillers spéciaux C. Michael Mitchell et John C. Murray au terme d’une vaste consultation menée auprès de divers intervenants représentant toutes les facettes des relations de travail. Ce rapport, commandé en grande pompe par le gouvernement libéral il y a deux ans, contenait 173 recommandations concernant les lois ontariennes relatives au milieu de travail.

Avec la Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois, le gouvernement de l’Ontario propose maintenant d’apporter des modifications importantes à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (LNE) et à la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT) de l’Ontario (LRT) afin de rehausser les normes de base, de mieux protéger les travailleurs ontariens, notamment ceux qui sont considérés comme les plus vulnérables et de faciliter l’accréditation syndicale. La plupart des modifications proposées entreraient en vigueur entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019.

Même si bien des détails ne seront connus que lorsque le projet de loi et les règlements d’application seront déposés, voici un résumé des modifications proposées.

Modifications proposées aux normes d’emploi

Hausse du salaire minimum

La modification proposée qui retient le plus l’attention est l’importante hausse du salaire minimum général qui, de 11,40 $ l’heure actuellement, passerait à 14 $ l’heure le 1er janvier 2018, puis à 15 $ de l’heure le 1er janvier 2019. Il s’agirait de la plus importante hausse du salaire minimum en une si courte période jamais proposée dans l’histoire de l’Ontario. Les employeurs devraient bien réfléchir aux répercussions de cette proposition.

Les modifications proposées maintiendraient des taux plus bas pour certains groupes désignés, notamment les étudiants et les serveurs de boissons alcoolisées, mais les taux de ces groupes augmenteraient d’à peu près le même pourcentage que le taux général du salaire minimum au cours de la même période.

Dispositions sur le salaire égal

Comme le recommandaient les auteurs du Rapport final de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, les employeurs seraient tenus de verser le même salaire à tous les employés à temps plein, à temps partiel, occasionnels, temporaires et saisonniers (à quelques exceptions près, lorsque la différence de salaire repose sur un critère objectif comme l’ancienneté ou un système de primes fondé sur la productivité).

Dans le même ordre d’idées, il serait interdit aux employeurs qui font appel à des travailleurs d’agences de placement temporaire de verser à ces travailleurs un traitement inférieur à celui qu’ils versent à leurs propres employés qui font le même travail.

Dans n’importe quelle de ces situations, les employés qui s’estimeraient lésés parce qu’ils reçoivent un salaire différent auraient le doit, en vertu de la loi, de demander une révision salariale à leur employeur, bien qu’on ignore pour le moment comment cette révision serait effectuée ou comment l’employeur serait tenu d’y procéder. Ces modifications entreraient en vigueur le 1er avril 2018.

Planification des horaires

La loi proposée mettrait en œuvre un certain nombre de mesures concernant la planification des horaires de travail. Mentionnons notamment les modifications suivantes :

  • rémunération garantie de trois heures au taux régulier lorsqu’un quart de travail est plus court que prévu, dans la mesure où l’employé travaille régulièrement plus de trois heures par jour, ou lorsque le quart de travail est annulé moins de 48 heures avant le quart prévu à l’horaire;
  • rémunération garantie de trois heures au taux régulier pour les employés qui sont sur appel, mais ne sont pas convoqués au travail;
  • possibilité de refuser des quarts de travail supplémentaires sans conséquence lorsque l’employeur donne un préavis de moins de quatre jours;
  • droit de demander un changement d’horaire ou de lieu de travail sans s’exposer à des représailles de l’employeur après trois mois de service.

Ces mesures entreraient en vigueur le 1er janvier 2019.

Classification erronée

L’une des principales recommandations de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail vise à s’attaquer au problème de la classification erronée des employés considérés à tort par les employeurs comme des entrepreneurs indépendants.

La loi proposée renforcerait les mesures de protection visant à empêcher les employeurs de classifier de façon erronée certains employés (les privant ainsi des mesures de protection prévues par la LNE). Bien que la nature exacte des modifications proposées ne soit pas claire, les mesures proposées par le gouvernement indiquent que l’employeur serait tenu de prouver que la personne n’est pas un employé, inversant ainsi le fardeau de la preuve habituel.

Si le projet de loi est adopté, cette modification entrerait en vigueur rapidement, dès le jour de la sanction royale.

Autres avantages prévus par la LNE – Vacances, heures supplémentaires et jours fériés

La loi proposée apporterait certaines modifications à d’autres avantages prévus par la LNE, notamment les suivantes :

  • Les employés cumulant cinq ans de service chez le même employeur auraient droit à un minimum de trois semaines de vacances (payées), au lieu des deux semaines actuelles.
  • Lorsqu’un employé occupe plusieurs postes chez le même employeur, ses heures supplémentaires seraient payées au taux du poste qu’il occupait durant la période où il a fait des heures supplémentaires.
  • La loi proposée apporterait des modifications au calcul de la rémunération des jours fériés et d’autres modifications, non précisées, aux dispositions connexes visant à simplifier le processus.

Ces mesures entreraient en vigueur le 1er janvier 2018.

Congés prévus par la LNE

La loi proposée apporterait certaines modifications aux congés prévus par la LNE, à savoir les suivantes :

  • Tous les employés auraient droit à des congés d’urgence personnelle, et non seulement ceux qui travaillent pour des employeurs comptant plus de 50 employés.
  • Au moins deux de ces dix jours de congé d’urgence personnelle seraient payés
  • Les raisons de prendre un congé d’urgence personnelle seraient élargies pour inclure les situations de violence familiale ou sexuelle ou de menaces de telles violences.
  • Il serait également interdit aux employeurs d’exiger une déclaration médicale pour un congé d’urgence personnelle.
  • Un nouveau droit à un congé non payé, d’une durée maximale de 104 semaines, serait accordé aux employés dont un enfant décède, quelle qu’en soit la cause.
  • La durée du congé non payé en cas de disparition d’un enfant dans des circonstances criminelles serait portée à 104 semaines.
  • Le congé familial pour raison médicale passerait d’un maximum de huit semaines sur une période de 26 semaines à un maximum de 27 semaines sur une période de 52.

Ces mesures entreraient en vigueur le 1er janvier 2018.

Programme des normes d’emploi

La loi proposée apporterait un certain nombre de changements aux processus de réclamations en vertu de la LNE ainsi qu’aux issues possibles de ces réclamations.

Un des changements importants qui ont été recommandés dans l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail est une hausse du financement accordé pour le traitement des réclamations en matière de normes d’emploi. Ainsi, la province serait autorisée à embaucher jusqu’à 175 nouveaux agents des normes d’emploi et à créer un programme visant à informer les employés et les petites et moyennes entreprises de leurs droits et obligations prévus par la LNE. Ce financement accru vise à réduire le délai de traitement des réclamations présentées en vertu de la LNE, à accélérer leur règlement et à offrir un meilleur soutien aux petits employeurs qui pourraient avoir de la difficulté à comprendre le processus.

Parmi les autres changements proposés, mentionnons qu’un employé n’aurait plus besoin de communiquer avec son employeur avant de présenter une réclamation et qu’il serait désormais interdit au directeur des normes d’emploi de refuser de faire enquête sur une telle réclamation au motif que les renseignements fournis par le demandeur sont insuffisants.

Les conséquences seraient plus lourdes pour les employeurs qui contreviennent à la LNE. Ainsi, les sanctions administratives pécuniaires maximales imposées aux employeurs qui enfreignent la loi passeraient de 250 $, 500 $ et 1 000 $ à 350 $, 700 $ et 1 500 $, respectivement. Les agents chargés de l’application de la LNE auraient plus de pouvoir pour ordonner le paiement direct aux employés et il y aurait plus d’options de paiement. Les agents seraient également autorisés à appliquer des intérêts sur les salaires impayés des employés ou sur les frais illégalement facturés aux employés.

De plus, le directeur des normes d’emploi serait autorisé à publier le nom des personnes à qui une sanction pécuniaire a été infligée, une description de la contravention, la date de celle-ci et le montant de la sanction pécuniaire.

Enfin, le pouvoir du gouvernement de percevoir les salaires impayés serait accru. Un agent de recouvrement serait autorisé par le directeur des normes d’emploi à délivrer des mandats, à enregistrer des privilèges sur les biens meubles et immeubles et à détenir une sûreté pendant que le paiement d’une somme due est en cours. Les agents pourraient également recueillir et échanger des renseignements personnels au cours du processus de recouvrement.

Ces mesures entreraient en vigueur le 1er janvier 2018.

Exclusions de la LNE

La loi proposée par le gouvernement éliminerait ou réduirait nettement la portée des diverses exemptions aux normes minimales de la LNE pour des groupes comme :

  • les employés de la Couronne (cette modification entrerait en vigueur le 1er janvier 2018);
  • les personnes qui reçoivent une formation professionnelle par l’entremise de leur employeur (cette modification entrerait en vigueur le 1er janvier 2018);
  • les étudiants qui sont employés et qui travaillent régulièrement plus de trois heures par quart de travail (ces employés seraient rémunérés pour au moins trois heures même s’ils ont travaillé moins de trois heures; cette modification entrerait en vigueur le 1er janvier 2019);
  • les employés travaillant dans un emploi ou un milieu de travail simulé pour leur réadaptation (cette modification entrerait en vigueur le 1er janvier 2019).

La loi proposée obligerait le ministère du Travail à procéder à un examen des exemptions prévues par la LNE et des règles spéciales de l’industrie ainsi qu’à une consultation des intervenants touchés. Le gouvernement a souligné que les exemptions qui existent déjà dans le cas des gestionnaires et des superviseurs seraient également visées par l’examen. Il y a donc des risques que les employeurs perdent la possibilité de se prévaloir de l’une des principales exemptions aux normes prévues par la LNE, notamment en ce qui a trait aux heures supplémentaires.

Modifications diverses relatives à l’emploi

Parmi les autres modifications proposées à la LNE, mentionnons les suivantes :

  • Élimination de la disposition qui exige une preuve d’« objet ou effet » pour faire échec à l’objet de la LNE lorsqu’il s’agit de déterminer si des entreprises liées peuvent être assimilées à un seul employeur et être tenues solidairement responsables de l’argent dû aux termes de la Loi.
  • Obligation pour les agences de placement temporaire de donner aux employés en affectation un préavis d’au moins une semaine (à moins de leur offrir une autre affectation raisonnable ou de leur verser une indemnité tenant lieu de préavis) s’il est mis fin à leur affectation avant la fin de sa durée estimative d’au moins trois mois.
  • Les ententes conclues entre employeurs et employés par voie électronique, notamment les ententes concernant les heures supplémentaires, tiendraient lieu d’ententes écrites.

Modifications proposées aux relations de travail

Accréditation syndicale

Comme il en a été fait mention précédemment, le plus important mandat du gouvernement de l’Ontario, dans le contexte des relations de travail, était d’accroître la capacité des employés de se syndiquer, un objectif que les auteurs du rapport de l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail ont fortement appuyé dans leurs recommandations. Les taux de syndicalisation dans le secteur privé diminuent à l’échelle de la province depuis des décennies, et ces réformes visent à éliminer le plus d’obstacles possible à la syndicalisation.

Le gouvernement propose d’apporter les modifications suivantes aux règles et procédures d’accréditation :

  • L’accréditation syndicale fondée sur les cartes d’adhésion serait permise dans les secteurs des agences de placement temporaire, des services de gestion d’immeubles, des soins à domicile et des services communautaires.
  • La Commission des relations de travail de l’Ontario serait autorisée à tenir des votes d’accréditation à l’extérieur du lieu de travail, notamment par voie électronique et par téléphone.
  • Les syndicats auraient accès aux listes d’employés et à certaines coordonnées, pourvu qu’ils puissent démontrer qu’ils ont l’appui de 20 % des employés de l’unité de négociation proposée.
  • Certaines conditions d’accréditation réparatoire seraient éliminées, ce qui permettrait aux syndicats d’obtenir plus facilement l’accréditation lorsqu’un employeur commet une inconduite qui contrevient à la LRT de l’Ontario.
  • La Commission se verrait conférer des pouvoirs supplémentaires qui lui permettraient d’encadrer le déroulement du scrutin (vraisemblablement pour assurer la neutralité du processus).

La loi proposée obligerait la Commission des relations de travail à traiter les demandes d’arbitrage-médiation des premières conventions collectives avant les demandes de substitution de syndicat et de révocation d’accréditation, à faciliter l’accès à l’arbitrage de la première convention collective et à ajouter une composante de médiation intensive au processus.

La loi proposée augmenterait la capacité de la Commission des relations de travail d’appliquer les droits du syndicat successeur dans les lieux de travail auparavant syndiqués. Les contrats de services de gestion d’immeubles qui ont fait l’objet d’un nouvel appel d’offres seraient assujettis aux droits du syndicat successeur, tout comme les autres contrats de service financés par l’État qui font l’objet d’un nouvel appel d’offres.

Enfin, la Commission se verrait accorder des pouvoirs discrétionnaires supplémentaires pour structurer les unités de négociation. La loi proposée permettrait à la Commission de modifier la structure des unités de négociation au sein d’un même employeur, s’il est établi qu’elles ne sont plus les unités propres à négocier, ou de regrouper au sein du même employeur les unités de négociation nouvellement accréditées avec d’autres unités existantes si ces unités sont déjà représentées par le même agent négociateur.

Les mesures proposées prendraient effet six mois après la date d’entrée en vigueur de la Loi de 2017 pour l’équité en milieu de travail et de meilleurs emplois.

Protection des employés

La loi proposée prévoit des mesures de protection supplémentaires pour les employés syndiqués qui sont engagés dans un processus visant à faire reconnaître leurs droits de négociation collective.

Plus précisément, la loi proposée protégerait les employés contre les mesures disciplinaires ou le congédiement sans motif valable de la part de leur employeur entre le moment où un syndicat a été accrédité et la conclusion d’une première convention collective ainsi qu’entre la date à laquelle les employés ont fait légalement la grève ou ont été en lock-out et la conclusion de la première convention collective.

De plus, les employeurs seraient tenus de réintégrer les employés dans leurs fonctions à la conclusion d’une grève ou d’un lock-out légal (sous réserve de certaines conditions non précisées) et de leur donner accès à l’arbitrage de griefs pour l’exécution de cette obligation. La LRT de l’Ontario donne actuellement aux employés, moyennant certaines conditions, le droit de retourner au travail dans un délai de six mois après le début d’une grève légale, mais le gouvernement propose de supprimer ce délai.

À l’instar de l’examen de la LNE, le projet de loi propose d’engager une consultation entre le ministère du Travail et tous les intervenants pour revoir les exemptions existantes à LRT de l’Ontario et déterminer si elles devraient être éliminées.

Enfin, les modifications proposées prévoient une augmentation des sanctions pécuniaires qui seraient infligées aux employeurs qui enfreignent la LRT. Ainsi, les amendes maximales prévues par la LRT de l’Ontario passeraient à 5 000 $ pour les particuliers et à 100 000 $ pour les organisations (comparativement aux amendes actuelles de 2 000 $ et 25 000 $, respectivement).

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