Le gouvernement de l’Ontario a récemment déposé le projet de loi 203, la Loi de 2018 sur la transparence salariale. L’objectif de cette loi est d’accroître la transparence des pratiques salariales dans l’espoir de combler l’écart de salaire entre les hommes et les femmes. Le projet de loi habilite aussi le ministère du Travail à infliger des amendes aux employeurs qui ne se conforment pas à la Loi.
Pour cette loi, le gouvernement de l’Ontario a pris pour modèle des lois semblables qui existent au Royaume-Uni, en Australie et en Allemagne. Comme l’explique Daniella McGuigan, associée au bureau d’Ogletree Deakins à Londres, en vertu de l’Equality Act 2010 (Gender Pay Gap Information) Regulations 2017 du Royaume-Uni, les employeurs ayant au moins 250 employés au Royaume-Uni sont tenus de publier chaque année des calculs prévus par la loi qui indiquent l’écart de rémunération et de primes entre les hommes et les femmes. Plus récemment, la Commission britannique pour l’égalité et les droits de la personne (Equality and Human Rights Commission) a proposé un projet de mesures coercitives à l’intention des employeurs qui ne respectent pas la loi.
Bien que la rédaction de la loi ontarienne n’en soit qu’à ses débuts, on peut déjà résumer les principales propositions de l’avant-projet de loi :
- Il sera interdit aux employeurs de chercher à obtenir des renseignements sur l’historique de rémunération d’un candidat ou d’une candidate, soit directement auprès de la personne, soit par des moyens indirects.
- Les employeurs faisant une annonce publique de postes vacants doivent inclure « … des renseignements sur la rémunération ou la fourchette de rémunération prévue pour le poste ».
- Les employeurs seront tenus de rendre compte au ministère du Travail de leurs pratiques salariales. Bien que les règlements précisant ce qui doit figurer dans les rapports des employeurs n’aient pas encore été rédigés, le projet de loi prévoit que les employeurs seront tenus de déclarer la composition démographique de leur effectif et les différences de rémunération qu’il y a en fonction du sexe et d’autres caractéristiques visées. On ne sait pas très bien quelles autres caractéristiques (comme la race ou l’origine ethnique) seront visées par le règlement, mais en théorie, le règlement pourrait imposer de rendre compte de pratiquement tous les motifs de discrimination interdits par le Code des droits de la personne de l’Ontario.
- Il sera interdit aux employeurs d’exercer des représailles contre les employés qui :
- s’informent auprès de leur employeur au sujet de leur rémunération (des représailles pour de telles demandes pourraient aussi aller à l’encontre des récentes modifications apportées à l’égalité salariale par le projet de loi 148) ;
- divulguent leur rémunération à un autre employé;
- s’informent au sujet d’un rapport sur la transparence salariale déposé auprès du ministère du Travail;
- fournissent au ministère du Travail des renseignements sur la conformité ou la non-conformité de leurs employeurs par rapport à la Loi;
- demandent à leur employeur de se conformer à la Loi.
- Un employé qui croit que son employeur a exercé des représailles contre lui en violation de la Loi peut déposer une plainte auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario. Si l’employé qui porte plainte est syndiqué et soumis à une convention collective, il peut déposer un grief ou recourir à l’arbitrage en vertu de la convention collective. Il incombera aux employeurs de prouver qu’ils n’ont pas enfreint la Loi.
- Le ministre du Travail nommera des agents de conformité. Ces agents seront habilités à :
- effectuer des vérifications de conformité pour déterminer si un employeur a enfreint la Loi, effectuer des inspections et exiger la production de documents (bien que les pouvoirs des agents de conformité ne soient pas tous indiqués dans la Loi, il semble qu’ils auront des pouvoirs semblables à ceux que les inspecteurs du ministère du Travail exercent en vertu de la Loi sur les normes d’emploi de 2000);
- rendre des avis de non-conformité et imposer des amendes et des pénalités.
Si un employeur n’est pas d’accord avec un avis de non-conformité rendu par un agent de conformité, il devra s’adresser à la Commission des relations de travail de l’Ontario pour le contester.
- Il y aura un délai de prescription d’un an pour la responsabilité de l’employeur en cas de violation de la Loi.
Bon nombre des détails de la Loi et de ses mécanismes d’application, comme les exigences précises en matière de soumission de rapports et la façon dont le gouvernement effectuera les vérifications et veillera à la conformité, seront déterminés par un règlement qui n’a pas encore été rédigé.
Une élection provinciale est prévue en Ontario en juin 2018, de sorte qu’il est possible que la Loi ne soit pas mise en œuvre avant cette date.
Ce qui est clair, c’est que si cette loi est adoptée telle quelle, les employeurs de l’Ontario auront des obligations importantes et sans précédent en matière de rapports sur les pratiques de rémunération et de divulgation proactive des salaires, obligations allant au-delà de ce qu’impose toute autre province du Canada. Il reste à voir quels changements pourraient être apportés à la loi avant le dépôt de la version finale.
Nous surveillerons l’évolution de ce projet de loi et rendrons compte des faits saillants à mesure qu’ils se produiront.