Le 4 octobre, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a publié sa décision dans l’affaire Weilgosh v. London District Catholic School Board. Cette décision était fort attendue depuis l’arrêt Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, rendu en 2021, dans lequel la Cour suprême du Canada conclut que les employés syndiqués du Manitoba ne peuvent pas déposer de plaintes relatives aux droits de la personne auprès de la Commission des droits de la personne du Manitoba, mais doivent plutôt passer par un processus d’arbitrage en droit du travail, car c’est aux arbitres en droit du travail que revient la compétence exclusive pour trancher les questions découlant de conventions collectives, y compris les atteintes présumées aux droits de la personne.

Avant l’arrêt Horrocks, la jurisprudence ontarienne indiquait que le TDPO et les arbitres en droit du travail avaient des compétences concurrentes quant aux litiges concernant les droits de la personne dans les milieux syndiqués. Les employés pouvaient donc choisir de soumettre leurs plaintes à l’arbitrage ou au TDPO. La publication de l’arrêt Horrocks par le plus haut tribunal du pays a remis cette interprétation en question.

La décision Weilgosh confirme que le statu quo est maintenu en Ontario, puisque le libellé particulier du Code des droits de la personne de l’Ontario permet un écart par rapport à l’affaire Horrocks. Les employés peuvent donc se faire entendre par un arbitre en droit du travail ou par le TDPO dans les affaires concernant les droits de la personne.

Les employeurs dans l’affaire Weilgosh ont présenté une Demande d’ordonnance dans le cadre d’instance pour demander au TDPO de conclure qu’il n’avait pas compétence dans le dossier au motif que les présumées violations des droits de la personne étaient du ressort exclusif d’un arbitre en droit du travail aux termes de la convention collective.

Pour trancher, le TDPO a repris l’analyse en deux étapes utilisée par la Cour suprême dans l’arrêt Horrocks :

  1. La Loi de 1995 sur les relations de travail de l’Ontario (LRTO) et la Loi sur les services policiers (PSA) attribuent-elles une compétence exclusive à un décideur nommé par la législation du travail?
  2. Si oui, y a-t-il une intention législative clairement exprimée d’écarter cette compétence exclusive pour les cas de droits de la personne?

Compétence exclusive des arbitres en droit du travail

Le TDPO a conclu que l’article 48 de la LRTO et la jurisprudence l’interprétant confèrent aux arbitres en droit du travail la compétence exclusive pour les litiges découlant d’une convention collective, ce qui vise par défaut les questions concernant le Code. Il en arrive à la même conclusion au sujet de la LSP.

Intention législative d’écarter la compétence exclusive des arbitres en droit du travail

Le TDPO a conclu que même si la législation en droit du travail donne compétence exclusive aux arbitres, le Code fait état d’une intention législative claire d’écarter cette compétence lorsque l’affaire concerne une question régie par le Code. Cette conclusion est fondée sur les articles 45 et 45.1 du Code. L’article 45 permet au TDPO de « reporter une requête conformément à ses règles », et l’article 45.1 lui permet de la rejeter « s’il estime que le fond de la requête a été traité de façon appropriée dans une autre instance ».

Le TDPO a décelé dans ces dispositions une intention législative de lui attribuer une compétence concurrente à celle d’autres instances. Le Code des droits de la personne du Manitoba ne prévoit pas de telles dispositions, ce qui constitue le facteur distinctif entre les conclusions de la Cour suprême et du TDPO à la deuxième étape de l’analyse.

Le TDPO souligne que sa compétence concurrente ne signifie pas qu’il acceptera d’entendre toutes les requêtes déposées par des employés syndiqués. En vertu des pouvoirs qui lui sont accordés dans ses règles de procédure, le TDPO peut, à sa discrétion, décliner sa compétence en faveur d’un arbitre en droit du travail.

Points à retenir pour les employeurs

Cette décision confirme que rien ne change en Ontario. À moins qu’elle ne soit infirmée en appel, elle signifie que les employés syndiqués peuvent continuer de présenter des requêtes individuelles au TDPO.

Cela dit, de leur côté, les employeurs peuvent demander au TDPO d’exercer sa discrétion pour refuser d’entendre l’affaire et la renvoyer à l’arbitrage si l’employé syndiqué a accès à ce processus.

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