Pour les employeurs du secteur de la fabrication, il peut être avisé d’inclure une politique sur la consommation d’alcool et de drogue en milieu de travail à leur programme de santé et de sécurité. De nombreuses entreprises ont recours à des tests de dépistage pour éviter que leurs employés travaillent avec les facultés affaiblies et ainsi diminuer le risque d’accidents et de blessures.

Selon les lois canadiennes sur la santé et la sécurité, l’employeur doit prendre toutes les mesures raisonnables pour protéger les travailleurs sur le lieu de travail. Toutefois, le dépistage de la drogue et de l’alcool exige de trouver le juste milieu entre la sécurité en milieu de travail et le droit des employés à protéger leur vie privée et à ne pas subir de discrimination. Les règles encadrant le dépistage sont habituellement énoncées dans la politique sur la consommation d’alcool et de drogue de l’employeur, qui doit notamment établir les situations dans lesquelles un employé est tenu de subir un test.

Le présent article examine le dépistage dans le contexte du secteur canadien de la fabrication. Nous aborderons différentes situations où il pourrait être autorisé ou interdit, et présenterons des suggestions pratiques pour la mise en œuvre d’une politique sur la consommation.

Dépistage préalable à l’emploi

Au Canada, la mesure dans laquelle le dépistage préalable à l’emploi est autorisé varie d’une province à l’autre. Par exemple, les juges de l’Ontario ont interdit la pratique de manière générale, tandis que l’Alberta semble avoir adopté une approche plus permissive.

L’opposition s’explique par la crainte de certains qu’un régime de dépistage préalable à l’emploi soit utilisé pour discriminer de façon illégale les personnes atteintes d’une incapacité liée à la dépendance. Pour cette raison, l’employeur doit y réfléchir à deux fois avant d’instaurer un régime de dépistage préalable, car il pourrait se retrouver obligé de prendre des mesures d’accommodement avant même qu’un candidat ait commencé à travailler.

En l’absence de jurisprudence claire, les entreprises qui souhaitent adopter cette pratique devraient envisager :

  • d’adopter un régime uniquement dans la mesure nécessaire à l’atteinte de leurs objectifs de sécurité légitimes;
  • de concevoir un régime qui n’élimine pas d’office les candidats dont le test s’avère positif ou qui offre à tout le moins à ceux-ci, dans certaines circonstances, la possibilité d’obtenir un emploi.

Dépistage aléatoire

Le seuil requis pour justifier les tests de dépistage aléatoires est très élevé. Les tribunaux ont établi les critères suivants pour que l’intrusion dans la vie privée des employés qu’occasionnent ces tests soit considérée comme raisonnable :

  • les employés qui subissent de tels tests occupent des postes « critiques sur le plan de la sécurité » et « intrinsèquement dangereux »;
  • il existe des preuves de risques importants pour la sécurité, comme un problème de toxicomanie généralisé chez les employés, et les mesures portant moins atteinte à la vie privée qui ont été prises pour y remédier ont échoué;
  • les moyens pris pour mettre en œuvre le dépistage aléatoire sont proportionnels, en ce qu’ils permettent ou permettront vraisemblablement d’atteindre l’objectif de sécurité en milieu de travail, tout en portant le moins possible atteinte à la vie privée des employés.

Il est essentiellement interdit de soumettre au dépistage aléatoire les employés qui n’occupent pas un poste critique sur le plan de la sécurité. Par conséquent, l’employeur devra s’assurer d’établir des procédures de dépistage de la drogue et de l’alcool adaptées à chaque secteur de l’usine en fonction des risques pour la sécurité de l’employé, des autres travailleurs ou des tiers.

Dépistage pour motif valable

Il est possible de faire subir un test de dépistage à un employé lorsqu’il existe un motif raisonnable de croire que ses facultés sont affaiblies par la drogue ou l’alcool alors qu’il est de service, ou qu’il est incapable de travailler de façon sécuritaire en raison de cet affaiblissement.

La politique adoptée par l’employeur peut, dans la mesure du possible, obliger le superviseur qui compte faire subir un test de dépistage à un employé en raison de ses observations à demander l’avis d’un autre superviseur ou d’une autre personne apte à observer l’employé en question. La deuxième personne tenterait ainsi d’observer l’employé pour déceler des signes d’affaiblissement de ses facultés.

Lorsqu’un motif raisonnable est établi, cette catégorie de dépistage est justifiée au titre des objectifs légitimes de sécurité en milieu de travail, dont l’atteinte est compromise par l’affaiblissement actuel des facultés de l’employé. Par conséquent, l’employeur a tout intérêt à procéder au dépistage pour motif valable le plus rapidement possible après avoir observé des signes d’affaiblissement.

L’employeur peut en outre inclure dans sa politique sur le dépistage pour motif raisonnable un énoncé indiquant que le refus de subir un test sera considéré comme un test positif ou pourra entraîner des mesures disciplinaires. Les tribunaux valident habituellement l’application de mesures disciplinaires lorsqu’un motif raisonnable est établi et que l’employé refuse de subir un test.

Dépistage à la suite d’un incident

Un employeur peut également faire subir un test à un employé impliqué dans un « incident » en milieu de travail. Le dépistage à la suite d’un incident nécessite de déterminer (1) s’il existe un motif raisonnable de croire que l’employé en cause avait les facultés affaiblies par la drogue ou l’alcool et (2) si, compte tenu des droits et intérêts de l’employé et de l’employeur, la nécessité de procéder à un test l’emporte sur le droit à la vie privée de l’employé. Dans sa politique, l’employeur doit envisager de préciser que le sens d’« incident » se rapporte aux risques propres au milieu de travail, et peut englober les circonstances qui ont causé, ou pourraient potentiellement causer :

  • un préjudice corporel;
  • une perte de temps de travail ou de production;
  • des dommages matériels d’une valeur non négligeable.

L’employeur peut considérer certains facteurs avant d’ordonner un dépistage, comme les explications de l’employé en cause et de témoins de l’incident et l’existence d’une explication raisonnable autre que l’affaiblissement des facultés de l’employé.

Dépistage en vue d’un retour au travail

De manière générale, les tribunaux considèrent comme raisonnable d’imposer un dépistage dans le cadre du retour au travail d’un employé qui a enfreint une politique sur la consommation de drogue et d’alcool. Ainsi, le programme de réadaptation d’un employé peut intégrer une politique prévoyant des tests de dépistage aléatoires et/ou à intervalles réguliers pendant une période donnée.

Dépistage de la drogue et de l’alcool : suggestions pratiques

L’employeur canadien du secteur de la fabrication qui conçoit et met en œuvre une politique sur la drogue et l’alcool doit veiller à ce que :

  • le dépistage (à l’exception du dépistage pour motif raisonnable) ne serve qu’à régler des problèmes graves, notamment lorsque l’affaiblissement des facultés d’un employé pose un risque à la sécurité;
  • la décision de procéder à un test ne soit prise qu’après considération de tous les facteurs contextuels;
  • les gestionnaires et les superviseurs suivent une formation sur le régime de dépistage, portant notamment sur l’établissement d’un motif raisonnable de croire qu’un employé a actuellement les facultés affaiblies;
  • les politiques soient adaptées aux objectifs légitimes de sécurité en milieu de travail et permettent de répondre aux problèmes propres à celui-ci selon des preuves documentées.

Cet article a été rédigé en vue d’une publication dans SHRM. © 2019 SHRM. Tous droits réservés.

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